
Perte de nationalité française par désuétude : la conformité de l’article 30-3 du Code civil confirmée
L’article 30-3 du Code civil, dans son interprétation constante par la Cour de cassation, prévoit une présomption irréfragable de perte de nationalité française lorsque l’ascendant d’une personne s’est établi durablement à l’étranger pendant plus de cinquante ans. Le 11 avril 2025, le Conseil constitutionnel a confirmé la constitutionnalité de cette disposition, en écartant plusieurs arguments soulevés par des requérants par la voie d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Une présomption jugée légitime
Les requérants estimaient que cette présomption automatique portait atteinte à deux principes fondamentaux : le droit à un recours juridictionnel effectif et l’interdiction de constater la perte de la nationalité française sans jugement. Ils soutenaient notamment que la procédure ne permettait pas un examen individuel de la situation de l’intéressé et de sa famille.
Le Conseil constitutionnel a rejeté ces griefs. Il a précisé que le recours au juge pour constater la perte de nationalité n’est pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République, mais une modalité procédurale laissée à l’appréciation du législateur. Par conséquent, l’automaticité de la perte n’est pas contraire à la Constitution.
Une mesure encadrée au nom de l’intérêt général
Le Conseil a également souligné que l’article 30-3 poursuit un objectif légitime : éviter la transmission fictive de la nationalité française à des individus n’ayant aucun lien effectif avec la France, ce qui relève de la bonne administration de la justice. Il a ainsi estimé que la perte de nationalité française pouvait être constatée lorsqu’il est établi qu’aucune possession d’état de Français n’a existé pendant le délai de cinquante ans.
Toutefois, cette présomption n’est pas absolue : le juge conserve le pouvoir d’apprécier si la personne ou son ascendant a eu la possession d’état de Français dans le délai concerné. En l’absence de preuves suffisantes, la nationalité est réputée perdue.
Des garanties préservées pour les mineurs et les apatrides
La décision du Conseil rappelle que cette disposition ne peut pas être appliquée aux enfants mineurs si elle n’a pas déjà été opposée à leur ascendant. Par ailleurs, le juge ne peut jamais déclarer la perte de la nationalité si cela rendrait l’intéressé apatride, ce qui constitue une garantie essentielle.
Cette décision vient confirmer que la perte de nationalité par désuétude repose sur un équilibre entre sécurité juridique et intérêt général. Elle entérine la légitimité d’un dispositif destiné à encadrer la transmission de la nationalité dans le temps et l’espace, tout en garantissant les droits fondamentaux des personnes concernées.